Récits Compostelle - Étape 9 - Logroño - Azofra 33 km

Je me réveille naturellement à 3 heures. Je sais que l'étape d'aujourd'hui fera 33 km. Je n'ai pas envie de "courrir", et j'ai prévu de faire beaucoup de pauses. Je n'ai jamais fait une telle distance… J'avais préparé mon sac hier, si bien qu'en deux enjambées je suis dans le couloir avec tout le bardat. Et Hop, dans la cuisine en face. Un Nescafé, un brin de toilette et je mets les voiles, il est 4 heures. Je ne suis pas seul…entre temps, il y a un Français et deux allemands qui sont partis alors que je finissais le petit dejeuner. Il fait nuit noire, je casque ma lumière frontale car bien qu'il y ait quelques lumières ici et là, je ne vois pas beaucoup de marques pour gagner la sortie… il faut vraiment ouvrir l'œil.
J'attaque une interminable avenue. Je ne suis pas plus rassuré que ça car il n'y a personne dans les rues, à part une bande de 4 ou 5 jeunes aperçus attroupés. A environ une centaine de mètres je vois les trois pérégrinos qui m'avaient devancés. Ils viennent à ma rencontre. Ils ont perdus "las flechas amarillas". Moi, je suis certain d'en avoir vue une sur cette avenue quelques mètres plus tôt, le long d'un lampadaire. En confiance je continu et ils me suivent.

Sortie de Logroño
Départ de l'auberge

On finit tout de même après quelques centaines de mètres par trouver une flèche sur une allée piétonne, goudronnée et cimentée. De plus, il y a maintenant de petites bornes avec la coquille. Plus aucun doute…. Le Français n'arrête pas de pas parler…De tant à autre, il lance, à la Gipsy king un …Volaaarééé , hooo..hooo…à 4 heures du mat ! Je ralentis fortement la cadence pour les laisser partir devant. J'ai besoin de calme...
Heureusement que ma lampe éclaire loin car nous sommes sortis de la ville, et la nuit est toujours là bien qu'il soit 5 heures du matin… Au bout d'un moment j'arrive à proximité de ce qui semble être une pinède. De loin, j'aperçois un étrange ballet de lumières…des zigs zags.. Ce sont encore eux ! ils sont à nouveau perdus…et moi aussi par la même occasion. Je balance ma tête (sur laquelle est la frontale) de droite à gauche et de haut en bas pour essayer d'accrocher "du jaune"… Finalement, par chance, je finis par apercevoir une flèche jaune sur le tronc d'un pin. Il y a un minuscule passage entre deux arbres. On s'y engouffre.
Le Français a arrêté de chanter, mais maintenant il "converse" avec un merle quelque part dans la nuit…Voilà ce que c'est de partir tout seul du Puy…Deux mois de solitude , ça pèse… il doit vraiment se sentir seul, ou alors il a atteint la plénitude et ne fait plus qu'un avec la nature…. A moment donné il s'arrête pour lacer sa chaussure. J'en profite pour mettre le turbo et le devance de deux ou trois cents mètres, juste assez pour être au calme, les Allemands sont restés derrière mais me rejoindront quelques temps plus tard. " have You lost the French singer ? Ya Ya…". Comme je ne parle pas un mot d'Allemand mais qu'eux parlent un peu Anglais on s'arrange… la conversation ne dure pas, et pour cause…

La route continue dans le silence (on ne le reverra plus…) . Il est 7 heures. Quand nous atteignons Navarette (13 km), il reste encore 14 km jusqu'à Najera, et si ça continue comme ça on y sera vers 11 heures. Arrêt casse-croûte, saucisson…et on repart. Suivant les arrêts de chacun on se croise et l'on se recroise. Finalement, vu l'heure, on décide de ne pas s'arrêter à Najera mais d'atteindre la prochaine albergue à 6 km. Si l'on m'avait dit qu'un jour je ferais 33 km sans problème, je n'y aurais pas cru. Même si techniquement cette étape est quasi plate, je commence à avoir un peu mal aux pieds, plutôt du côté de l'os du talon. Le fait que ce soit de la route pratiquement depuis le début ne doit pas y être étranger…Il est 10 heures. Comme prévu, je m'arrête pour remettre de la crème et souffler un peu. Les Allemands me dépassent et prennent de l'avance. Je repars. Ils ont disparus… Il y a des travaux le long de la route, et une inévitable déviation pour le Camino. Les nouvelles flèches indiquent à gauche vers un village dans le lointain. Les signalisations normales indiquent tout droit, (même s'il y a un panneau grillagé en travers du chemin). Pourtant, au loin, j'aperçois la silhouette de quelqu'un…Je verrais bien…je décide de passer outre l'interdiction et m'engage sur le chemin originel. Bien m'en a pris.. Le chemin est tout à fait praticable. Je pense que la déviation a été mis en place pour éviter les engins de travaux publics. Je ne sais pas pourquoi, mais il n'y a personne sur le chantier, tous les engins sont arrêtés comme si c'était dimanche, donc pas de problème.

Plus loin, c'est magnifique. Je passe à côté d'un "champ de pierres" fabriqué de toute pièces par les pèlerins. Il y en a des centaines, empilées les unes sur les autres. C'est impressionnant ! J'y vais moi aussi de mon empilement.

Empilement de cailloux
C'est beaucoup plus joli en vrai !

Je suis seul. Je suis sûr que les Allemands ont pris à gauche (discipline, quand tu nous tiens…). Ce matin, à 4 heures ,il faisait , suivant les thermomètres publics rencontrés, entre 21 et 23 degrés! J'avais peur que le record soit battu. Mais non, à 10 heures, la température est la même. Il faut dire que le ciel est parsemé de quelques nuages blancs inoffensifs, mais pratiques pour cacher un peu le soleil. J'arrive dans les faubourgs de Najera. L'arrivée est interminable et mal signalée à travers les vignes (même si en fait c'est tout droit, on a toujours l'impression d'avoir ratée la birfurcation). 10 h 45, je traverse NAJERA et m'arrête au premier banc à l'ombre. Ça tombe bien, en plus il y a une fontaine. En France, j'aurais l'air d'un clochard, avec mon chapeau, mes groles, mon bout de pain et mon saucisson. En plus, j'ai gardé un peu de vin de la veille dans l'une des gourdes. Mais ici, en Espagne, la plupart des gens qui passe près de moi me saluent d'un Buenas Dias. Il faut dire que ma coquille pend en évidence autour de mon cou, et ils ont l'habitude.

Cela fait maintenant une heure que je suis arrêté. Massage des pieds avec une crème, dont l'odeur dans un endroit clos servirait d'insecticide…, les chaussettes sont sèches ou presque. Il est 12 heures. Je repars. La traversée de Najera est hasardeuse, tant les marques sont peu nombreuses. J'aborde un vieux monsieur : El Camino de Santiago esta para aqui ? .. Si , si et il m'explique tout droit, derecha, bzzzz,bzzzz(ça c'est que je ne comprend pas..) y (bzzzz….bzzzzzz), Muchas gracias ! et me voila reparti. Je retrouve bien effectivement le chemin. Chemin qui en fait est du goudron tout le long…(donc, ça fait mal aux pieds…).

Il est 13h15 quand j'atteints le refuge d'Azofra. Super, tout neuf, avec des "chambres" de deux personnes, ça ressemble un peu aux wagons lits. Superbe cuisine avec micro onde , plaques électriques, secadora (machine à sécher le linge) etc… Le gîte est donc superbe, mais mon voisin de chambré ronfle dix fois plus que moi. Conclusion, je me réveille à 3 heures. Comme j'ai prévu de partir plus tard aujourd'hui je me rendors. Un peu trop peut-être car il est déjà 5h30 quand j'ouvre un œil, et j'ai quand même prévu de partir à 6 heures… l'étape du jour fait tout de même 26 km. Le temps est couvert, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne fait pas chaud.

Albergue d'Azofra
Le vent aidera au séchage de la lessive

etape suivante

Vidéo la marche aux étoiles

Avec l'aimable autorisation de Yvon Boëlle.

Présentation de l'exposition "Compostelle, la marche aux étoiles" réalisée par l'Académie de Musique et d'Arts Sacrés de Sainte-Anne d'Auray et le photographe Yvon Boëlle sur ses 15 années de reportage sur les chemins de Compostelle de France et d'Espagne.

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